Car oui, je ne peux parler de mon
métier ou plutôt de mon environnement professionnel sans parler du sujet
principal : les adolescents (ou comment enfoncer des portes ouvertes)
Alors je ne suis pas là pour expliquer ce
qu’est un adolescent, merci. Mais l’avantage et l’inconvénient de
travailler auprès des jeunes, c’est qu’on relativise ou que l’on revit
souvent cette « merveilleuse » période obligatoire pendant laquelle on
se cherchait en jouant avec les règles et leurs limites, avec plus ou
moins de résultats heureux.
Pour vous planter le décor et ne pas vous laisser dans le brouillard quant à certaines de mes réflexions, à ma décharge (…si on veut) j’étais une adolescente très (trop)
sage. Trop timide, trop réservée, trop moche pour être populaire, je me
laissais gentiment entrainée au grès des jours tout en rapportant de
bonnes notes en français et catastrophiques en math (oui bon…)
Je stressais à mort pendant les cours de langue car je détestais passer à
l’oral, alors que je me faisais remarquer en sport car j’adorais le
hand-ball (qui m’a bousillé le poignet gauche à plusieurs reprises) le volley (qui n’a rien arrangé), le badminton, le foot, le basket…je détestais la gym, la course à pied, et surtout le canoë ! (j’en ai fait des cauchemars de cette saloperie)
Mon lycée se réduisant comme peau de
chagrin avec les années, j’ai fait mes années avec plus ou moins le même
groupe d’amis, qui avec quelques déconneurs, était relativement
hétéroclite. Lycée privé de surcroit, donc entrée choisie, éducation
religieuse obligatoire et j’en passe et des meilleurs…(oui on avait des sœurs comme profs…de math. Je vous laisse imaginer ma souffrance)
Ma naïveté du collège s’est murée en
barrière de silence après le divorce de mes parents. Je dirai
ironiquement que ce dernier est tombé à point nommé pour me mettre du
plomb dans l’aile et me faire réaliser que rien n’est sûr et que le
monde est plus noir que l’on imagine…(surtout à 12 ans où tout parait éternel) Ce n’est que vers 16, 17 ans que j’ai commencé à me conduire comme une fille de mon âge (inutile de sortir les mouchoirs hein, c’est parce que je l’ai bien voulu)
: sortir avec la permission de minuit, voyager seule pendant les
vacances, et répondre à la question existentielle « mais à quoi ça sert
les mecs au fait ? » (Phase ô combien compliquée qui m’a valu les
coups les plus bas, les poignards dans le dos et tout ce qui fait qu’à
cet âge, votre vie ressemble à un épisode de Dallas)
Avec le recul offert par la vie et ce
travail d’assistante d’éducation, j’ai pu réaliser la chance que j’ai
eu. Certes, parents divorcés et mère seule pour m’éduquer, ce qui a
indubitablement modifié mon rapport aux autres et aux mecs en
particulier, ce n’était pas toujours rose. Pas énormément d’argent, même
si je n’ai jamais manqué de rien, pas de fringue à la mode, pas de
sorties intempestives, pas – jamais – dans le coup, je me suis toujours
sentie en décalage par rapport au reste du monde. (Décalage qui subsiste encore aujourd’hui)
Cette « dureté » apparente m’a appris à
rester dans les rails. D’éviter les excès, quel qu’ils soient, de
réaliser l’importance de la politesse, de la structure de la vie en
société…je sais donc quand me conduire comme il faut face à des
inconnus, je respecte mes aînés et mes supérieurs hiérarchiques (même quand ces derniers sont de parfaits abrutis…) je sais quand râler et quand me taire (même si ça…c’est sans doute le plus dur avec mon si « charmant » caractère)
Ce sont les bases élémentaires qui m’ont été inculquées et qui me
permettent d’avancer. Aujourd’hui, ces bases semblent avoir été oubliés
par une certaine catégorie d’adolescents.
Heureusement, cela reste une minorité !
90% des élèves que je croise sont polis, aimables, travaillent bien ou
ont leur maximum, vivent leur vie avec une insouciance (que je leur envie) tout se passe dans le meilleur des mondes…mais en tant qu’A.E (Assistante d’Éducation pour ceux qui ne suivent pas),
nous faisons plutôt face au 10% restant. Les ados à problème, en perte
de repères, en manque affectif, et qui hurler leur douleur à la face du
monde, crache sur les règlements et les limites de la vie en communauté.
C’est une constance de cette période. Les ados se cherchent et leurs
trouvailles feront d’eux les adultes de demain. (Cela fait sans doute vieux jeu de dire ça mais en l’état actuel, je crains pour l’avenir de ces futurs adultes)
Comme dit dans mon pamphlet contre
l’utilisation du portable au sein d’un établissement scolaire, la
nouvelle génération est la génération « Apple ». La technologie. Plus
que nous, elle fait partie du décor. Grâce à elle, plus besoin de
chercher, plus besoin de bouger, plus besoin de lire ou d’aller à la
bibliothèque, plus besoin de discuter pour se trouver des amis ni même
pour s’engueuler, plus besoin de s’inquiéter pour l’orthographe…le monde
des adultes – et du travail par extension – est déjà difficile à
appréhender pour les gens issus de la génération Y dont je fais partie.
Les beaux diplômes ne servent plus à rien, la crise faisant, notre
sacrifice aidera – peut-être – à la reconstruction économique, mais que
restera-t-il pour ces jeunes qui n’ont jamais eu à se fatiguer pour
obtenir les informations nécessaires ? La déesse technologie, dans sa
grande mansuétude, les a baigné de son savoir, mais ne les a-t-elle pas
en ce sens, privé de leur curiosité naturelle ? Comment s’adapteront-ils
aux futures catastrophes s’il suffit d’un bouton pour changer de chaine
? Et comment feront-ils, le jour où leur fée technologie viendra leur
tourner le dos ?
Tout ceci est fort pessimiste, mais je
sais que dans le lot, il y a nos futurs chercheurs, nos futurs
historiens, nos futurs médecins, nos futurs professeurs…s’il suffisait
d’un doute ou des facilités offertes par le progrès pour nous
déstabiliser, l’humanité se serait auto-détruite depuis longtemps ! (et ce n’est pas faute d’avoir essayé)
Comme souvent, les ados que je croise s’en sortiront. Et m’écraseront
de leur savoir. Heureusement pour nous. Heureusement pour notre avenir. (….et surtout heureusement pour nos retraites !)
0 commentaires:
Enregistrer un commentaire